Webinaire « Quelle éducation à l’alimentation et au goût pour le jeune enfant ? »

J’ai été très heureuse d’animer un webinaire pour Terre Éternelle le 28 mai 2020 et de représenter l’ANEGJ , Association Nationale pour l’Éducation au Goût des Jeunes. Les échanges qui ont suivi ma présentation ont été riches et animés. Je vous partage ci-dessous les principaux sujets abordés.

Éduquer à l’alimentation et au goût, quelle richesse et quel plaisir pour l’enfant, mais aussi pour ses parents et ses éducateurs. Dès sa naissance, le nouveau-né commence à découvrir le monde avec tous ses sens, et notamment avec sa bouche, c’est dire combien goûter est une porte d’entrée intéressante pour se connaitre et pour découvrir les autres et le monde. Les trois premières années de la vie sont très importantes pour poser les bases d’une alimentation variée et équilibrée et pour cultiver le plaisir de manger, autant de cadeaux pour toute la vie !

La plupart du temps, apprendre à gouter, car il s’agit bien « d’apprendre », est tout naturel et se passe très bien. Mais cet apprentissage peut aussi être plus compliqué pour le jeune enfant et pour ses parents. Alors comment faire pour l’accompagner au mieux dans ses apprentissages, sans « se prendre la tête » ? Comment réagir lorsque l’enfant rejette un aliment, voire qu’il rejette de nombreux aliments, sans même les goûter ?

D’abord, il faut bien se rappeler que chaque enfant est différent. Son « équipement sensoriel », son histoire, la culture dans laquelle il grandit est propre à chacun. Au sein d’une même fratrie, les enfants peuvent d’ailleurs avoir des comportements alimentaires, des goûts, des manières de manger très différents, voire aux antipodes.

Ensuite, il faut savoir que les goûts évoluent sans cesse et que ce que l’enfant apprécie ou n’apprécie pas à un certain moment de sa vie peut changer. D’où l’importance de lui proposer plusieurs fois l’aliment mal-aimé, entre 7 et 10 fois selon les études. Un enfant qui mangeait peut-être sans aucune difficulté une grande variété de légumes peut devenir très sélectif vers l’âge de 18 mois /2 ans, voire rejeter en bloc tel ou tel aliment. C’est la période de néophobie alimentaire, qui peut durer jusqu’à 8/10 ans et qui concerne plus de la moitié des enfants, à différents niveaux d’intensité.

Alors comment faire pour une éducation à l’alimentation et au goût sereine et agréable pour tout le monde et qui permet non seulement de construire des comportements alimentaires favorables à la santé mais aussi de contribuer à l’éduquer à des choix bons pour l’environnement et les équilibres naturels ?

Tout d’abord, se faire confiance. De nombreux parents transmettent tout naturellement de bonnes habitudes, les adaptent à leur enfant selon son stade de développement ou la situation dans laquelle ils se trouvent. Un climat de « tranquillité alimentaire » où on mange tous ensemble, sans écrans, en prenant le temps d’échanger, en donnant de l’importance à ce moment du repas et de la valeur aux aliments mais sans « en faire trop ».  L’enfant n’a pas besoin « qu’on lui fasse un cours » sur la variété du légume, son origine, son mode de production, etc…. Par contre, ne vous privez pas d’en parler si c’est spontané, que vous l’avez cuisiné avec plaisir, voire que vous avez associé votre enfant aux activités de préparation et de présentation du plat. Emmenez le faire les courses alimentaires, au marché, chez un producteur. Lorsque c’est possible, faites pousser légumes, fruits, plantes aromatiques, puis cueillez-les avec lui, et croquez-les, juste sortis de terre et lavés. L’enfant apprend en imitant. Si des fruits et légumes sont disponibles chez vous, qu’il est tout naturel pour vous de les consommer à votre table, alors ils lui deviendront familiers.

Et lorsqu’il rejette cette purée colorée avec des légumes verts ou orange, car elle est nouvelle, qu’il ne l’a pas encore « rencontrée », laissez-lui découvrir avec ses 5 sens, laissez-le sentir, explorer avec sa fourchette (ou ses doigts), la mélanger avec d’autres aliments qu’il apprécie, voire jouer au jeu très ancien de « une cuillère pour Léo, une cuillère pour maman ou pour papa ». Éviter de faire des comparaisons avec ses frères ou sœurs, pas de récompense ni de punition, par contre encouragez tout effort de goûter, avec bienveillance et fermeté, et aidez-le à mettre des mots sur ses sensations.

Le partage, les échanges, sont des clés d’un environnement alimentaire favorable ; on a tous expérimenté combien l’appréciation d’un aliment varie selon les situations, les émotions, les personnes avec lesquelles on le partage.

Enfin, il y a autant de manières de faire que de parents…et de grands-parents… des personnes également très importantes dans cette transmission ! Partager, passer de bons moments à table, favoriser la diversité et la créativité dans les plats et les recettes, innover dans les cuissons, les associations, les assaisonnements, la présentation, …sont autant de facteurs favorables à une alimentation ou le plaisir a toute sa place. Or, les études montrent que les enfants qui associent le plus l’alimentation au plaisir sont ceux qui font les choix alimentaires les plus favorables à leur équilibre nutritionnel et à leur santé [1].

[1] http://presse.inra.fr/Communiques-de-presse/plaisir-de-manger-chez-les-enfants